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Adieu, mon ami

14. Feb 2023 
par Philippe Alliot
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Le décès de Jean-Pierre Jabouille, ce 2 février 2023, nous a tous émus. Philippe Alliot (photo ci-dessus entre Jabouille et Baldi aux 24 Heures du Mans), qui a été son coéquipier et était son ami, nous a fait parvenir ce beau et émouvant discours qu’il a écrit pour lui et lu lors de son enterrement.

Jean-Pierre,

Ou dois-je dire Capitaine Flamme ? Le sobriquet dont nous t’avions affublé, David Halliday et moi, lorsque nous étions sous tes ordres en GT.

Tous ceux qui ont eu l’honneur de croiser ta trajectoire partageront mon point de vue, et ma jalousie. Tu étais un personnage entier et infiniment attachant, un homme libre ayant vécu sa passion durant toute sa vie. Il faut du courage pour être soit-même, et tu n’as pas eu peur. Tu étais libre car tu t’accordais le droit de ne pas donner ton amitié en 2 minutes comme on claquerait un tour de circuit. Non, il fallait de longues séances d’essais et de mises au point humaines avant d’y parvenir.

Celui qui obtenait ta confiance découvrait alors un ami exceptionnel de gentillesse et d’attention. Je me souviens de nos premières rencontres. Tu n’étais pas tendre à mon égard, mais je n’avais rien à opposer car tes critiques étaient toujours justes et argumentées. Entre les lignes, je comprenais ceci : « Tu es aussi crétin que tu vas vite… mais alors qu’est-ce que tu vas vite ! ». Et plutôt que de me braquer, cela me faisait sourire intérieurement.

Et puis un jour, sans que tu ne dises mots, j’ai compris à quel point tu devais aimer le « cancre » que j’étais. Ce fut l’un des plus beaux trophées dont je pouvais rêver, car j’en connaissais la valeur exceptionnelle.

La scène se passait aux 24 Heures du Mans 1993, lors des qualifications. J’avais placé notre Peugeot 905 en pole, mais j’étais rentré aux stands en exigeant un autre train de pneus neufs, convaincu que je pouvais battre le record de la piste… et j’ai pulvérisé la voiture !

Je redoutais le retour au box et ta réaction qui aurait dû être terrible, et au lieu de ça, tu ne m’as pas accablé. Tu préférais remobiliser l’équipe et voir plus loin, la course, avec une voiture au-dessus du lot. Quelle leçon ! Nos deux caractères pourtant si opposés avaient fini par s’attirer, au point de devenir inséparables. N’est-ce pas les aspérités qui offrent les meilleures prises ?

Jean-Pierre, tu as réussi à faire de ta passion ton métier, mais aussi ta légende. Tu demeureras à jamais le premier pilote français à s’imposer au volant d’une Formule 1 française et à faire triompher un moteur turbo. Il ne pouvait en être autrement tant tu t’étais investi dans ce projet fou.

Au moment de te dire au revoir, j’ai une pensée toute particulière pour tes deux garçons, Pierre et Victor, dont tu étais si fier.

Adieu mon ami. J’estimerai à jamais la chance d’avoir été ton ami.

Amen.

Source: DR

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